Juifs et Turcs unis contre les chrétiens
LE spectaculaire virage de Nicolas Sarkozy déclarant le 26 août, devant la Conférence des Ambassadeurs, que « la France ne s’opposera pas à ce que de nouveaux chapitres de négociations entre l’Union européenne et la Turquie soient ouverts » en vue de l’adhésion de la seconde, nous a conduit à relire le livre d’André Harris, Alain de Sédouy intitulé Juifs et Français (Grasset 1979, Poche), un intéressant témoignage sur les atrocités commises par les Turcs contre les populations grecques après la Première Guerre mondiale. Voici ce qu’en dit un certain Maurice Denailles, commerçant du Sentier interrogé par les deux journalistes. Le boutiquier est un juif d’origine turque, né en 1912, et qui a émigré en France en 1924. Il se souvient de l’arrivée au pouvoir de Mustapha Kemal : « Mes premiers souvenirs sont horribles, dit-il. C’est déjà un génocide. J’ai assisté au massacre des Grecs de Smyrne, j’ai vu des quartiers entiers brûler. J’ai vu les Turcs parader avec des colliers faits de bouts de seins. J’ai vu des popes grecs descendre en rang le long des rues, obligés de marcher sur des tessons de bouteilles jetés par la foule. »
Maurice Denailles, quant à lui, se réjouit que les juifs n’aient alors pas eu à souffrir de la fureur des Turcs : « Heureusement, explique-t-il, Kemal avait une mère demi-juive, ce qui nous a valu, cette fois-là, d’être épargnés. » (page 94).
Détruire les églises
Depuis fort longtemps déjà, les juifs nourrissent de grandes espérances sur les Turcs. En 1453, au moment de la prise de Constantinople par les Ottomans, les juifs se réjouissaient de la défaite des chrétiens. Voici ce qu’en écrit le grand historien juif Léon Poliakov : « Dans certains milieux marranes, cette victoire des “Ismaélites”, qui a laissé une impression prodigieuse à travers toute l’Europe, fut comprise comme le présage de la chute prochaine “d’Edom” [la chrétienté, ndlr] et de la délivrance imminente d’Israël. »
Les juifs s’attendent alors à la venue de leur Messie tant attendu : « Un actif conventicule de Marranes à Valence, assuré que le Messie venait d’apparaître sur une montagne près du Bosphore, se prépara alors à émigrer en Turquie : “… Les goys aveugles ne voient pas, disait une zélatrice du groupe, qu’après leur avoir été soumis, notre Dieu fera en sorte que nous dominerons sur eux ; notre Dieu nous a promis que nous irons en Turquie ; nous avons entendu dire que l’Antéchrist va venir ; on dit que le Turc détruira les églises chrétiennes et en fera des étables pour les bestiaux, et qu’aux juifs et aux synagogues, il fera honneur et révérence…” ». (Histoire de l’antisémitisme, tome I, Point Seuil, 1981, page 155).
L’alliance contre les chrétiens
On sait que de nombreux juifs avaient trouvé refuge dans l’empire ottoman après leur expulsion massive d’Espagne en 1492. Parmi eux, il y avait le fameux Joseph Nassi, l’héritier de la richissime famille Mendès. Celui-ci gagna la faveur du sultan Soliman. Poliakov écrit à son sujet : « Grâce à un réseau international marrane », il fut pendant une quinzaine d’années « l’homme le mieux renseigné d’Europe, et ses informations, doublées de ses cadeaux, lui permettaient de constituer à lui seul un “groupe de pression”, d’infléchir la politique étrangère ottomane, de décider même de déclarations de guerre et de conclusions de paix. » (page 211).
Ennemi juré de la chrétienté, Joseph Nassi entendait bien se venger des chrétiens, par Turcs interposés. En 1569, Nassi, fait duc de Naxos par le Sultan quelques années plus tôt, « conseille à Soliman d’attaquer Venise pour prendre Chypre dont il veut faire un refuge pour les Juifs », écrit Jacques Attali (Les Juifs, le monde et l’argent, Fayard, 2002, page 265).
Léon Poliakov écrit pour sa part : « Lorsqu’il poussa en 1570 Sélim à faire la guerre à Venise, l’entreprise débuta par la conquête de Chypre, dont il espérait devenir roi ; on sait que la grande île est le marchepied géographique de la Palestine. Mais la prise de Chypre suscita l’alliance entre Venise, le Saint-Siège et l’Espagne, et aboutit à la grande défaite navale turque à Lépante. En conséquence, Nassi tomba dans une demi-disgrâce… et d’autres favoris juifs le supplantèrent dans la faveur du Sultan… Son nom, qui pendant quinze ans ne cessa de défrayer la correspondance diplomatique européenne, fit encore longtemps après sa mort travailler les imaginations, Il concourut, à travers Le Juif de Malte de Marlowe, à la cristallisation de l’image de Shylock, le marchand de Venise. » (page 214 opus cité).
Dans son livre Rendez-vous avec l’islam (Grasset, 2005), Alexandre Adler confirme bien que les juifs ont soutenu à cette époque l’invasion turque, de même qu’ils avaient soutenu l’invasion arabe en Espagne quelques siècles plus tôt. « Partout dans leur avance, écrit-il, les juifs… accueillent les Turcs en libérateurs. » Soliman le Magnifique accueillit massivement les juifs d’Espagne, du Portugal, de Naples, de Malte, de Sicile et de Sardaigne qui furent expulsés par les Habsbourg. (page 168).
Les vraies origines du kémalisme
Il faut savoir que le mouvement des Jeunes Turcs au début du XXe siècle, la révolution kémaliste et le laïcisme occidental de la Turquie trouvent une partie de leurs origines dans le judaïsme. Les Donmeh (ou Donmehs) — des juifs faussement convertis à l’islam (cf. Psychanalyse du judaïsme, pages 158-164) — ont effectivement joué un rôle important dans l’histoire récente de la Turquie. Voici ce qu’en dit Gershom Scholem, qui est l’un des grands penseurs juifs du XXe siècle : Les Donmehs, écrit-il, « ont fourni de nombreux membres à l’intelligentsia des Jeunes Turcs… Ils ont joué un rôle important dans les débuts du Comité Union et Progrès, organisation du mouvement Jeune Turc qui eut son origine à Salonique… On a la preuve que David Bey, un des trois ministres du premier gouvernement Jeune Turc et chef important du parti Jeune Turc, était un Donmeh. » (Le Messianisme juif, 1971, Calmann-Lévy, 1974, p. 235).
Alexandre Adler confirme lui aussi les origines juives et maçonniques de la Turquie kémaliste : « L’un des fondateurs au moins du mouvement Jeune Turc, le 14 juillet 1889, jour centenaire de la prise de la Bastille, est un Donmeh avoué, Sükrü Dey. Plusieurs généraux Donmehs se battront à la tête de leurs troupes… dans les malheureuses guerres de l’empire. Mais l’entourage de Mustapha Kemal, malgré sa totale rupture avec son comploteur ministre des Finances donmeh Djazid Bey, sera toujours rempli de sabbatéens [les Donmeh, ndlr] (et par ailleurs d’une coterie de franc-maçons musulmans sunnites à l’origine, de rite écossais). » (Rendez-vous avec l’islam, page 175).
Dans une conférence du 14 mars 2005 à la maison Itshak Rabin, Alexandre Adler s’exprimait un peu plus librement, devant un public juif : « Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que j’ai de nombreux amis Donmeh, c’est-à-dire disciples de Sabbataï Zevi, et je les trouve assez extraordinaires… S’il n’y avait pas eu autant de Donmeh dans les élites turques de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, il n’y aurait pas eu de kémalisme. »
Et Adler ajoute : Les « grands Donmeh » ont été « à la tête de la réforme de l’école en Turquie » et ont créé « les premiers lycées modernes dont celui où Mustapha Kemal a fait ses études à Salonique. Bien sûr, poursuit Adler, les islamistes turcs disent que Kemal lui-même était un Donmeh, c’est faux. En revanche, son entourage, ses amis, étaient fortement Donmeh. » (cf.
C’est l’influence de ces juifs Donmeh, convertis faussement à l’islam, qui permet d’expliquer l’alliance actuelle entre la Turquie et Israël, explique Alexandre Adler : « S’il n’y avait pas eu de Donmeh qui ont occupé le poste de ministre des Affaires étrangères durant les trente premières années de la Turquie laïque et qui encore aujourd’hui représentent 40 % des ambassadeurs de Turquie dans le monde, dont la totalité des ambassadeurs de Turquie aux États-Unis, depuis maintenant 1950, sans doute que la Turquie ne serait pas l’alliée d’Israël. ».
Il reste à savoir dans quelle mesure les généraux donmehs des armées turques ont joué un rôle dans les massacres des chrétiens en Turquie après la Première Guerre mondiale, et dans le génocide des chrétiens d’Arménie. Mais ceci est une autre histoire.
Hervé RYSSEN.
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